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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Avant d’être transporté à la résidence de Longwood, Bonaparte occupa une case à Briars[1] près de Balcomb’s cottage. Le 9 décembre, Longwood, augmenté à la hâte par les charpentiers de la flotte anglaise, reçut son hôte. La maison, située sur un plateau de montagnes, se composait d’un salon, d’une salle à manger, d’une bibliothèque, d’un cabinet d’étude et d’une chambre à coucher. C’était peu : ceux qui habitèrent la tour du Temple et le donjon de Vincennes furent encore moins bien logés ; il est vrai qu’on eut l’attention d’abréger leur séjour. Le général Gourgaud, M. et madame de Montholon avec leurs enfants, M. de Las Cases et son fils, campèrent provisoirement sous des tentes ; M. et madame Bertrand s’établirent à Hutt’s-Gate, cabine placée à la limite du terrain de Longwood.

Bonaparte avait pour promenoir une arène de douze milles ; des sentinelles entouraient cet espace, et des vigies étaient placées sur les plus hauts pitons. Le lion pouvait étendre ses courses au delà, mais il fallait alors qu’il consentît à se laisser garder par un bestiaire anglais. Deux camps défendaient l’enceinte excommuniée : le soir, le cercle des factionnaires se resserrait sur Longwood. À neuf heures, Napoléon consigné ne pouvait plus sortir ; les patrouilles faisaient la ronde ; des cavaliers en vedette, des fantassins plantés çà et là, veillaient dans les criques et

  1. Briars (les Églantiers) était le nom du cottage habité par M. Balcombe, négociant de l’île. Napoléon y résida pendant deux mois environ, du 17 octobre au 10 décembre 1815, depuis son arrivée à Sainte-Hélène jusqu’à son installation à Longwood. Voir les Souvenirs de Betzy Balcombe, traduits par M. Aimé Le Gras, 1898.