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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

retira, tenant en main une branche de saule comme en revenant de la fête des Palmes.

Lord Byron crut que le dictateur des rois avait abdiqué sa renommée avec son glaive, qu’il allait s’éteindre oublié. Le poète aurait dû savoir que la destinée de Napoléon était une muse, comme toutes les hautes destinées. Cette muse sut changer un dénoûment avorté en une péripétie qui renouvelait son héros. La solitude de l’exil et de la tombe de Napoléon a répandu sur une mémoire éclatante une autre sorte de prestige. Alexandre ne mourut point sous les yeux de la Grèce ; il disparut dans les lointains superbes de Babylone. Bonaparte n’est point mort sous les yeux de la France ; il s’est perdu dans les fastueux horizons des zones torrides. Il dort comme un ermite ou comme un paria dans un vallon, au bout d’un sentier désert. La grandeur du silence qui le presse égale l’immensité du bruit qui l’environna. Les nations sont absentes, leur foule s’est retirée ; l’oiseau des tropiques, attelé, dit Buffon, au char du soleil, se précipite de l’astre de la lumière ; où se repose-t-il aujourd’hui ? Il se repose sur des cendres dont le poids a fait pencher le globe.


Imposuerunt omnes sibi diademata, post mortem ejus… et multiplicata sunt mala in terra (Machab.).

« Ils prirent tous le diadème après sa mort… et les maux se multiplièrent sur la terre. »

Ce résumé des Machabées sur Alexandre semble être fait pour Napoléon : « Les diadèmes ont été pris et les maux se sont multipliés sur la terre. » Vingt années se sont à peine écoulées depuis la mort de Bonaparte, et déjà la monarchie française et la monar-