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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Dans mon opinion sur le projet de loi relatif aux finances (21 mars 1817), je m’élevai contre le titre XI de ce projet : il s’agissait des forêts de l’État que l’on prétendait affecter à la caisse d’amortissement et dont on voulait vendre ensuite cent cinquante mille hectares. Ces forêts se composaient de trois sortes de propriétés : les anciens domaines de la couronne, quelques commanderies de l’ordre de Malte et le reste des biens de l’Église. Je ne sais pourquoi, même aujourd’hui, je trouve un intérêt triste dans mes paroles ; elles ont quelque ressemblance avec mes Mémoires :

« N’en déplaise à ceux qui n’ont administré que dans nos troubles, ce n’est pas le gage matériel, c’est la morale d’un peuple qui fait le crédit public. Les propriétaires nouveaux feront-ils valoir les titres de leur propriété nouvelle ? On leur citera, pour les dépouiller, des héritages de neuf siècles enlevés à leurs anciens possesseurs. Au lieu de ces immuables patrimoines où la même famille survivait à la race des chênes, vous aurez des propriétés mobiles où les roseaux auront à peine le temps de naître et de mourir avant qu’elles aient changé de maîtres. Les foyers cesseront d’être les gardiens des mœurs domestiques ; ils perdront leur autorité vénérable ; chemins de passage ouverts à tout venant, ils ne seront plus consacrés par le siège de l’aïeul et par le berceau du nouveau-né.

« Pairs de France, c’est votre cause que je plaide ici et non la mienne : je vous parle pour l’intérêt de vos enfants ; moi je n’aurai rien à démêler avec la postérité ; je n’ai point de fils ; j’ai perdu le