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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la réparation ne me fut pas plus agréable que le tort ne m’avait blessé.

Tandis que je me flattais d’aller revoir mes corbeaux, les cartes se brouillèrent : M. de Villèle se retira[1]. Fidèle à mon amitié et à mes principes poli-

  1. Le 7 juillet 1821, à l’occasion de la demande de la prolongation de la censure jusqu’à la fin de la session suivante, proposition déposée par le ministère, la Chambre des députés avait voté un amendement qui limitait la durée de la censure aux trois premiers mois de la session prochaine. La plus grande partie de la droite avait voté pour cet amendement. Louis XVIII ne cacha pas le vif mécontentement qu’il en éprouvait. « Ce déplaisir manifesté par le roi, dit Alfred Nettement (Histoire de la Restauration, tome V. p. 621), achevait de rendre très difficile la position de MM. de Villèle et de Corbière dans le Conseil et dans la Chambre. C’étaient les voix de leurs amis, ils ne pouvaient se le dissimuler, qui avaient déterminé le vote, et dans l’état d’incertitude où étaient les affaires, ils ne pouvaient les blâmer d’avoir pris des sûretés qu’on ne leur donnait pas. Après s’être tous deux concertés, ils reconnurent qu’ils ne pouvaient demeurer plus longtemps dans les conditions où ils étaient placés sans amoindrir leur position comme membres du cabinet et comme hommes du parlement. Ils résolurent donc de poser catégoriquement la question au duc de Richelieu, préférant se retirer du Conseil avec honneur que d’y rester dans une position équivoque. M. de Corbière eut avec M. de Serre (Garde des Sceaux dans le cabinet Richelieu) une conférence qui n’aboutit à rien. M. de Chateaubriand venait d’arriver de Berlin ; il y eut une délibération dans la réunion de la droite ; et l’on convint de deux choses l’une, ou sortir du ministère, ou y entrer avec trois portefeuilles : deux pour MM. de Villèle et de Corbière ; un troisième, celui de la guerre, pour le duc de Bellune (le maréchal Victor). M. de Chateaubriand déclara que, si cet arrangement n’était pas accepté, il donnerait sa démission de l’ambassade de Berlin, et se retirerait avec MM. de Villèle et de Corbière. La droite, avec le nombre de voix dont elle disposait dans la Chambre, ne pouvait, selon lui, se trouver satisfaite à moins. » — Les négociations durèrent jusqu’au 27 juillet, et se terminèrent par la retraite de MM. de Villèle et de Corbière. En même temps, Chateaubriand donnait sa démission d’ambassadeur.