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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

orateur et comme écrivain, appartenait à l’école de M. Pitt, ainsi que M. Canning ; mais il était plus détrompé que celui-ci. Il occupait à White-Hall un de ces appartements sombres d’où Charles Ier était sorti par une fenêtre pour aller de plain-pied à l’échafaud. On est étonné quand on entre à Londres dans les habitations où siègent les directeurs de ces établissements dont le poids se fait sentir au bout de la terre. Quelques hommes en redingote noire devant une table nue, voilà tout ce que vous rencontrez : ce sont pourtant là les directeurs de la marine anglaise, ou les membres de cette compagnie de marchands, successeurs des empereurs du Mogol, lesquels comptent aux Indes deux cents millions de sujets.

M. Croker vint, il y a deux ans, me visiter à l’Infirmerie de Marie-Thérèse. Il m’a fait remarquer la similitude de nos opinions et de nos destinées. Des événements nous séparent du monde ; la politique fait des solitaires, comme la religion fait des anachorètes. Quand l’homme habite le désert, il trouve en lui quelque lointaine image de l’être infini qui, vivant seul dans l’immensité, voit s’accomplir les révolutions des mondes.

Dans le courant des mois de juin et de juillet, les affaires d’Espagne commencèrent à occuper sérieusement le cabinet de Londres. Lord Londonderry et la plupart des ambassadeurs montraient en parlant de ces affaires une inquiétude et presque une peur ri-

    ne parle pas trop mal de lui-même dans ses propres Mémoires, journaux et lettres, publiées en 1884 par les soins de Louis Jennings (trois vol. in-8o).