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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Vous savez sans doute à présent, monsieur le vicomte, que lord Londonderry avait donné des preuves d’aliénation mentale quelques jours avant son suicide, et que le roi même s’en était aperçu. Une petite circonstance à laquelle je n’avais pas fait attention, mais qui m’est revenue en mémoire depuis la catastrophe, mérite d’être racontée. J’étais allé voir le marquis de Londonderry, il y a douze ou quinze jours. Contre son usage et les usages du pays, il me reçut avec familiarité dans son cabinet de toilette. Il allait se raser, et il me fit en riant d’un rire à demi sardonique l’éloge des rasoirs anglais. Je le complimentai sur la clôture prochaine de la session. Oui, dit-il, il faut que cela finisse ou que je finisse.

« J’ai l’honneur, etc. »

Tout ce que les radicaux d’Angleterre et les libéraux de France ont raconté de la mort de lord Londonderry, à savoir : qu’il s’était tué par désespoir politique, sentant que les principes opposés aux siens allaient triompher, est une pure fable inventée par l’imagination des uns, l’esprit de parti et la niaiserie des autres. Lord Londonderry n’était pas homme à se repentir d’avoir péché contre l’humanité, dont il ne se souciait guère, ni envers les lumières du siècle, pour lesquelles il avait un profond mépris : la folie était entrée par les femmes dans la famille Castlereagh.

Il fut décidé que le duc de Wellington, accompagné de lord Clanwilliam, prendrait la place de lord Londonderry au Congrès. Les instructions officielles se