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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bler l’hiver prochain ? Comment gouvernez-vous l’empire de la beauté ? On vous l’accorde avec plaisir, cet empire, parce que vous êtes éminemment bonne, et qu’il semble naturel qu’une âme si douce ait un charmant visage pour l’exprimer. De tous vos admirateurs, vous savez que je préfère Adrien de Montmorency[1]. J’ai reçu de ses lettres, remarquables par l’esprit et la grâce, et je crois à la solidité de ses affections, malgré le charme de ses manières[2]. Au reste, ce mot de solidité convient à moi, qui ne prétends qu’à un rôle bien secondaire dans son cœur. Mais vous, qui êtes l’héroïne de tous les sentiments, vous êtes exposée aux grands événements dont on fait les tragédies et les romans. Le mien[3] s’avance au pied des Alpes. J’espère que vous le lirez avec intérêt. Je me plais à cette occupation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Au milieu de tous ces succès, ce que vous êtes et ce que vous resterez, c’est un ange de pureté et de beauté, et vous aurez le culte des dévots comme celui des mondains. . . . . . . Avez-vous revu l’auteur d’Atala ? Êtes-vous toujours à Clichy ? Enfin je vous demande des détails sur vous. J’aime à savoir ce que vous faites, à me représenter les lieux que vous habitez. Tout n’est-il pas tableau

  1. Plus tard duc de Laval-Montmorency, celui précisément que Chateaubriand remplacera comme ambassadeur à Rome.
  2. « Arbitre du goût et des bonnes manières », a dit Mme de Staël. Sous une apparence légère et mobile, le duc de Laval était un noble cœur et un esprit élevé. Il géra les plus grandes ambassades et fut partout à la hauteur de sa tâche.
  3. Le roman de Delphine, qui parut à la fin de 1802.