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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

soutenir. Je ne les crains point, quelque chose qu’ils fassent ; je serai toujours l’idole du peuple et de l’armée : si je disais un mot, ils seraient assommés. Mais si nous nous querellons, au lieu de nous entendre, nous aurons le sort du Bas-Empire. »

Une députation de la Chambre des représentants étant venue le féliciter sur sa nouvelle abdication, il répondit : « Je vous remercie : je désire que mon abdication puisse faire le bonheur de la France ; mais je ne l’espère pas. »

Il se repentit bientôt après, lorsqu’il apprit que la Chambre des représentants avait nommé une commission de gouvernement composée de cinq membres. Il dit aux ministres : « Je n’ai point abdiqué en faveur d’un nouveau Directoire ; j’ai abdiqué en faveur de mon fils : si on ne le proclame point, mon abdication est nulle et non avenue. Ce n’est point en se présentant devant les alliés l’oreille basse et le genou en terre que les Chambres les forceront à reconnaître l’indépendance nationale. »

Il se plaignait que La Fayette, Sébastiani[1], Ponté-

  1. Horace-François-Bastien Sébastiani (1772-1851). Il coopéra au 18 brumaire, se distingua à Marengo, fut envoyé comme ambassadeur à Constantinople (1802-1807) et il décida la Turquie à déclarer la guerre à la Russie et à résister aux Anglais. En 1808, Napoléon lui donna un commandement en Espagne, où il remporta d’abord des succès, qui lui valurent d’être créé comte de l’Empire ; puis il se laissa souvent surprendre : « En vérité, disait Napoléon, Sébastiani me fait marcher de surprise en surprise. » Il se rallia aux Bourbons en 1814, revint à l’Empereur en 1815 et fut élu représentant à la Chambre des Cent-Jours par l’arrondissement de Vervins. Sous la seconde Restauration, député de 1816 à 1824 et de 1826 à 1830, il siégea sur les bancs de l’opposition. Après la révolution de Juillet, il fut successivement ministre des Affaires étran-