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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

En désignant M. Hyde de Neuville pour faire partie du ministère, Chateaubriand n’entendait pas très certainement renoncer lui-même à y entrer. Il croyait, comme son ami, que la popularité de son nom pourrait seule sauver la couronne et son ambition se confondait ici avec les véritables intérêts du pays. Le 15 mars, il adressait à M. Hyde de Neuville la lettre suivante :

Samedi. 15 mars 1828.

Il paraît, mon cher ami, que vous allez parler de mon entrée au Conseil sans portefeuille (ministre secrétaire d’État, membre du conseil de vos ministres). Si l’on fait quelque chose pour moi, l’entrée au Conseil est une réparation qui m’est due, sans quoi on aurait l’air de sanctionner la manière brutale dont j’en ai été écarté ; vous surtout, mon ami, étant là et n’ayant pas même pu prendre mon parti et plaider ma cause.

Une fois ministre secrétaire d’État, on fera de moi ce que l’on voudra pour le meilleur service du Roi ; mais il n’est pas question de cela dans ce moment. Le premier pas, si on veut le faire, est mon entrée immédiate auprès de vous au Conseil. On me trouvera bon coucheur, je ne prends pas de place et ne me mêle que de mon affaire.

Je dis entrée immédiate, voici pourquoi : ma position n’est plus tenable ; je suis, d’une part, regardé comme étant déjà ministre et obligé de répondre que je ne le suis pas, ce qui devient ridicule au dernier point ; d’une autre part, tout le parti immense qui s’appuie sur moi, gronde, me reproche mes politesses, prétend qu’on se moque de moi et me pousse violemment à l’opposition.

J’épuise mes forces dans ce double combat ; il faut que je prenne bientôt une résolution ; vous connaissez les exigences des partis, on ne tergiverse pas longtemps avec eux.

Voilà, mon cher ami, les raisons à exposer ; que vos collègues

    Chateaubriand et la fougue de son caractère avaient jeté à la tête de la défection royaliste dans la Chambre, la vieille affection pour ce serviteur dévoué des mauvais jours prévalut dans l’esprit du Roi sur des mécontentements passagers ; il l’appela à la place de M. de Chabrol au ministère de la marine. On ne pouvait conférer à des mains plus chevaleresques la dignité du pavillon de la France ni la sécurité de la couronne à un cœur plus fidèle. » — Lamartine, Histoire de la Restauration, tome VIII. page 128.)