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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

héroïne de Beauvais demeurée seule, avait eu des armes, elle nous aurait reçus comme Jeanne Hachette.

Nous nous rendîmes à Saint-Denis : sur les deux bords de la chaussée s’étendaient les bivouacs des Prussiens et des Anglais ; les yeux rencontraient au loin les flèches de l’abbaye : dans ses fondements Dagobert jeta ses joyaux, dans ses souterrains les races successives ensevelirent leurs rois et leurs grands hommes ; quatre mois passés, nous avions déposé là les os de Louis XVI pour tenir lieu des autres poussières. Lorsque je revins de mon premier exil en 1800, j’avais traversé cette même plaine de Saint-Denis ; il n’y campait encore que les soldats de Napoléon ; des Français remplaçaient encore les vieilles bandes du connétable de Montmorency.

Un boulanger nous hébergea. Le soir, vers les neuf heures, j’allai faire ma cour au roi. Sa Majesté était

    femme. Le lendemain, on le trouve dans les rangs des républicains, servant dans l’armée de l’Ouest, alors commandée par Bernadotte. En 1812, il est en Russie, attaché à l’état-major d’une division polonaise. Blessé et fait prisonnier, il ne rentre en France qu’après la chute de l’Empire. En 1815, officier d’état-major du duc de Feltre, ministre de la guerre, il suit le roi à Gand, reçoit, à la rentrée de Louis XVIII, le commandement de l’Artois, mais pour tomber presque aussitôt en disgrâce. Il disparaît pendant quinze ans, et surgit le 29 juillet 1830, à l’Hôtel de Ville, s’improvise « général », du droit de l’émeute et du fait de son uniforme, pris chez un fripier, et de ses épaulettes, tirées du magasin de l’Opéra-Comique. Il joue un instant le rôle de chef de la partie militaire du gouvernement provisoire, puis disparaît de nouveau. On ne le reverra plus que le 24 février 1848. Le nouveau gouvernement provisoire lui accorda une pension de retraite de général de brigade. Cette pension lui fut sans doute fort mal payée, car en 1850 le pauvre diable mit fin au roman de sa vie en avalant une forte dose d’opium.