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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

garde était mal disposée. La faction avait fait fermer les barrières afin d’empêcher le peuple, resté royaliste pendant les Cent-Jours, d’accourir, et l’on disait que ce peuple menaçait d’égorger Louis XVIII à son passage. L’aveuglement était miraculeux, car l’armée française se retirait sur la Loire, cent cinquante mille alliés occupaient les postes extérieurs de la capitale, et l’on prétendait toujours que le roi n’était pas assez fort pour pénétrer dans une ville où il ne restait pas un soldat, où il n’y avait plus que des bourgeois, très capables de contenir une poignée de fédérés, s’ils s’étaient avisés de remuer. Malheureusement le roi, par une suite de coïncidences fatales, semblait le chef des Anglais et des Prussiens ; il croyait être environné de libérateurs, et il était accompagné d’ennemis ; il paraissait entouré d’une escorte d’honneur, et cette escorte n’était en réalité que les gendarmes qui le menaient hors de son royaume : il traversait seulement Paris en compagnie des étrangers dont le souvenir servirait un jour de prétexte au bannissement de sa race.

Le gouvernement provisoire formé depuis l’abdication de Bonaparte fut dissous par une espèce d’acte d’accusation contre la couronne : pierre d’attente sur laquelle on espérait bâtir un jour une nouvelle révolution.

À la première Restauration j’étais d’avis que l’on gardât la cocarde tricolore : elle brillait de toute sa gloire ; la cocarde blanche était oubliée ; en conservant des couleurs qu’avaient légitimées tant de triomphes, on ne préparait point à une révolution prévoyable un signe de ralliement. Ne pas prendre la cocarde blanche