Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

les empêche de se voir : il y a des tombes qui ne se referment jamais. La tête de Capet était si haute, que les petits bourreaux furent obligés de l’abattre pour prendre sa couronne, comme les Caraïbes coupaient le palmier afin d’en cueillir le fruit. La tige des Bourbons s’était propagée dans les divers troncs qui, se courbant, prenaient racine et se relevaient provins superbes : cette famille, après avoir été l’orgueil des autres races royales, semble en être devenue la fatalité.

Mais serait-il plus raisonnable de croire que les descendants de Philippe auraient plus de chances de régner que le jeune héritier de Henri IV ? On a beau combiner diversement les idées politiques, les vérités morales restent immuables. Il est des réactions inévitables, enseignantes, magistrales, vengeresses. Le monarque qui nous initia à la liberté, Louis XVI, a été forcé d’expier dans sa personne le despotisme de Louis XIV et la corruption de Louis XV ; et l’on pourrait admettre que Louis-Philippe, lui ou sa lignée, ne payerait pas la dette de la dépravation de la régence ? Cette dette n’a-t-elle pas été contractée de nouveau par Égalité à l’échafaud de Louis XVI, et Philippe son fils n’a-t-il pas augmenté le contrat paternel, lorsque, tuteur infidèle, il a détrôné son pupille ? Égalité en perdant la vie n’a rien racheté ; les pleurs du dernier soupir ne rachètent personne : ils ne mouillent que la poitrine et ne tombent pas sur la conscience. Si la branche d’Orléans pouvait régner au droit des vices et des crimes de ses aïeux, où serait donc la Providence ? Jamais plus effroyable tentation n’aurait ébranlé l’homme de bien. Ce qui fait