Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/92

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et dévoré parce qu’ils ne le reconnaissaient point.
On voyait peint aussi un peu plus avant
2070comment Atalante chassa le sanglier,
et Méléagre, et maint autre encore
pour qui Diane prépara peine et angoisse.
Là je vis mainte autre histoire merveilleuse
que je n’ai point envie de remémorer.
Cette déesse était assise très haut sur un cerf
avec des petits chiens tout autour de ses pieds ;
et sous ses pieds elle avait une lune
qui était au déclin et allait bientôt finir.
Sa statue était vêtue de vert de gaude[1] ;
2080elle avait l’arc en main et des flèches dans une trousse.
Ses yeux étaient baissés vers la terre
où Pluton a son noir domaine.
Une femme en travail était devant elle ;
mais comme son enfant était bien long à naître,
fort piteusement elle appelait Lucina[2]
et disait : « Aide-moi, car tu le peux mieux que personne ».
Il savait bien peindre au vif celui qui fit cette œuvre,
et il lui fallut maint florin pour acheter les couleurs.

Maintenant ces lices sont faites, et Thésée
2090qui à grands frais a ainsi arrangé
les temples et le théâtre dans toutes leurs parties,
quand ce fut fait s’en réjouit merveilleusement.
Mais je veux un peu quitter Thésée
et parler de Palamon et d’Arcite.

Le jour approche de leur retour
où chacun devait amener cent chevaliers
pour décider la bataille comme je vous ai conté ;
et vers Athènes, pour observer leur pacte,
chacun d’eux a amené cent chevaliers
2100bien armés pour la guerre en tous points.
Et sûrement maintes gens pensaient
que jamais depuis le commencement du monde,

  1. Vert tiré de l'indigo par le mélange de la gaude (teinture jaune).
  2. Lucina, nom sous lequel Diane présidait à l'enfantement.