Page:Claretie - Catissou, 1887-1888.djvu/11

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darme que vous êtes, vous ne savez donc pas comment on arquepince les gens qui assassinent les pauvres vieux ? » Finalement, elle avait bien le droit de m’appeler gendarme puisque j’étais en uniforme. Tout ça n’est qu’un détail.

« Me voilà donc entré. Il avait bien une vingtaine de personnes dans la baraque, des hommes, des femmes et pendant que Catissou leur jetait des sourires, la mère Coussac, accroupie, les bombardait de ses regards, comme d’habitude.

« Je revois encore tout ça comme si j’y étais : Catissou debout sur la scène avec le rideau rouge au fond, sa jolie tête brune avec des sequins dans les cheveux, une rose au corsage, des bas roses, et, de tout ce rouge et ce rose, des bras blancs, potelés qui sortaient, et de jolies épaules, et une tête à tourner toutes les autres. Il y avait du soleil qui traversait la toile de la tente où la femme silure travaillait, et ce soleil faisait briller comme des diamants toutes les paillettes que Catherine avait cousues sur ses habits. Ah ! la jolie fille ! J’en parle à présent comme d’une étrangère. Mais nom de nom, la belle fille !

« Et elle était là, expliquant à ses spectateurs ce que c’est que le silure électrique, qui habite le Nil et le Sénégal et que les Arabes appellent tonnerre, et comme quoi cet animal-là vous donne des commotions qu’on croirait que c’est la foudre, et qu’en temps d’orage, les nerfs… la peau… je dis bien… les nerfs des silures… Mais tout ça que Catissou a rabâché tant de fois, c’est oublié, c’est fini maintenant ! Elle ne le sait peut-être seulement plus !… Ah ! elle le savait sur le bout des doigts, je vous le promets, à cette époque-là !… Elle vous débitait ça comme un avocat à la barre, et ceux qui l’écoutaient ouvraient des bouches grandes comme des fours et la dévoraient des yeux, la femme silure, ce qui prouve qu’ils avaient du goût.

« Après quoi, comme toujours, elle leur tendait la main et leur disait :

« — Donnez votre main, donnez, vous allez sentir la secousse électrique ! Ne craignez rien, ça ne vous fera pas de mal !

« Et voilà : il y en avait qui riaient, d’autres qui se lâchaient presque en secouant les doigts. Mais tous tendaient leur main vers la menotte de Catissou, pour avoir l’avantage de la toucher. Tous. Et j’étais là, moi, et je regardais ça, et j’étais presque jaloux de tous ces gens-là qui tripotaient la main douce, douce, de Catherine, lorsque tout à coup, — ah ! par exemple, c’est ça un coup de tonnerre ! — je vois la