Page:Claretie - Catissou, 1887-1888.djvu/3

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s’il vous plaît, — il recommandait donc, l’adjudant, aux brigadiers et aux hommes de redoubler de vigilance, comme qui dirait d’ouvrir l’œil, et, si l’on rencontrait, sous les châtaigniers ou le long des routes des visages suspects, — enfin douteux, quoi ! — de les cueillir sans hésiter et de les mener à qui de droit.

« L’arrondissement entier était prévenu, on avait expédié l’ordre à Chateauneuf, à Ambazac, à Saint-Sulpice-Laurière, partout, jusqu’à Rochechouart et à Bellac. Pour mieux parler, tout le département était sur pied ! Bon.

« C’est très joli de vous dire comme ça : Vous allez arrêter les individus qui auront mauvaise mine. Il ne faut pas trop s’y fier, aux mauvaises mines. Il y a des mauvaises mines qui sont de très braves gens. C’est vrai ! J’ai connu un quidam, moi, qu’on aurait pour le moins guillotiné ou, à défaut de la chose, envoyé aux galères sur sa mine ; eh bien, c’était un homme à qui, dans toute autre circonstance, on aurait donné le prix Montyon. Parfaitement. Il nourrissait un tas de gens, distribuait aux pauvres tout ce qu’il avait. Un saint, ma parole d’honneur, et avec ça la tête d’un forçat. Tandis que d’autres, on leur donnerait le bon Dieu sans confession, et c’est quelquefois des êtres, ma parole, à leur passer les menottes tout de suite.

« Mais on nous disait d’arrêter. Bien. Nous arrêtions. Nous avons arrêté comme ça de ces Lorrains, vous savez, qui viennent à Sauviat ou à Saint-Yrieix acheter de la porcelaine ; nous avons arrêté des colporteurs, des vieux, des mendiants jaunes comme leur bissac. jusqu’à des idiots qui rôdaient sans savoir, dans le pays. Pas un n’était capable d’avoir seulement donné une chiquenaude au père Coussac.

« Avec tout cela le temps passait et l’on ne mettait guère la main sur l’assassin du faubourg Montmailler.

« C’est que ce n’était pas commode, il faut tout dire, de savoir qui avait tué le maître maçon. On n’avait pas beaucoup d’indices. C’était une affaire à n’y voir goutte. Un jour, voilà, que j’étais à la gendarmerie, en train d’étriller mon cheval, quand une belle fille, avec des yeux noirs comme des mûres et des lèvres rouges comme des fraises, arrive vers moi et me dit :

« — Eh bien ! à la fin des fins, a-t-on des nouvelles de l’assassin !… Je suis la fille de Léonard Coussac !

« Ça me fit quelque chose d’entendre ça ! Elle avait parlé avec une énergie, sapristi, et un feu dans ses diablesses de prunelles, avec une colère telle que je me sentis comme