Page:Claretie - Catissou, 1887-1888.djvu/8

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« Alors, à la fin finale, voyant que pas un homme de la 12e légion, depuis le colonel jusqu’au dernier gendarme, ne mettait la main sur cet individu, Catherine dit :

« — C’est bon. Si vous ne pouvez pas le trouver, vous autres, eh bien ! je le trouverai, moi !

« Elle avait encore sa grand’mère, à cette époque : la veuve Coussac, — encore une vraie femme celle-là, — qui, depuis l’assassinat du maçon, était devenue muette comme une pierre, farouche comme un chien qui va tomber du haut mal, et ne répétait qu’une chose, la pauvre vieille : « On ne le conduira donc pas à la rue Monte-à-Regret, ce coquin qui a tué mon fils ! »

Catherine quitta son état de couturière et demanda à la préfecture l’autorisation de courir les foires. Ça m’étonna, moi, ça nous étonna tous, mais moi surtout, quand, un peu partout, dans les frairies, à la Saint-Loup ou à la Saint-Martial, à Limoges, dans tout l’arrondissement, nous rencontrions une baraque de planches avec une grande affiche peinte sur toile, et, sur l’affiche, le portrait de Catherine Coussac, en maillot rose, avec une veste de velours rouge et des paillons de cuivre et, au dessus, en grosses lettres, cette enseigne : la Femme silure.

« Femme silure ! Quel drôle de nom ! C’était déjà une idée baroque pour Catherine de se mettre comme ça parmi les saltimbanques de foire… quoique je dois vous dire que c’est des gens qui en valent d’autres et même qui valent mieux que d’autres, ces pauvres diables roulant leur bosse dans une voiture, mangeant sur l’herbe, couchant au coin des routes, se désossant pour nous amuser et broutant la misère comme leur carcasse de cheval, qui traîne toute la maisonnée, broute l’herbe des chemins. Oui, c’était déjà une idée étonnante de se faire artiste foraine, comme on dit. Mais femme silure, c’était plus comique encore ! Femme silure ! Savez-vous ce que c’est qu’être silure ? C’est être torpille. Et torpille ? C’est être électrique. C’est qu’on ne puisse pas vous chatouiller sans qu’on reçoive une secousse électrique. Silure, c’est un poisson qui vous engourdit le bras quand on le touche, un poisson qui a une machine électrique dans le corps. Alors quoi ! Catherine Coussac, électrisée, vous faisait passer des secousses dans le bras quand elle vous touchait. Oui. Femme silure. Voilà !

« Moi, je n’avais pas besoin de la toucher pour être électrisé, je n’avais qu’à la regarder. Vous la voyez à vingt-huit ans. Elle a un peu grossi, mais elle est joliment jolie tout de même ; eh bien ! il y a dix ans, quand elle portait sur ses cheveux noirs le barbichet de dentelle que ces godiches de