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LÉTHARGIE DE LA MUSE.




FRAGMENTS.


À ranimer la muse en vain je m’évertue,
Elle est sourde à mes cris et froide sous mes pleurs :
Sans espoir je me jette aux pieds d’une statue
Dont le regard sans flamme avive mes douleurs.

C’est son souffle pourtant qui parfume mon âme ;
C’est sa voix qui m’ouvrit un horizon nouveau,
Et c’est au doux contact de ses lèvres de femme
Que je sentis un jour bouillonner mon cerveau…

C’est elle qui, sondant d’une main douce et sûre
Mon cœur qui ne pouvait au mal se résigner,
En arracha le trait resté dans la blessure
Et la purifia sans la faire saigner.

C’est elle qui toujours repeupla d’espérances
Mon front morne envahi par des papillons noirs…
Car elle avait alors pour toutes mes souffrances
Des soupirs, et des pleurs pour tous mes désespoirs.

Refrénant les ardeurs qui la rendraient féconde,
Elle excite mes sens et consume mes jours ;