Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/109

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géante, si haute que de la main je puis à peine atteindre à sa tête moustachue, supporte la stèle panégyrique. « Voici le porche et l’apprentissage de la terre ; c’est ici », dis-je, « que la mort faisait halte sur un double seuil et que le maître du monde, entre les quatre horizons et le ciel, recevait un suprême hommage. »

Mais à peine suis-je sorti par la porte septentrionale (ce n’est pas en vain que je franchis ce ruisseau), je vois devant moi s’ouvrir le pays des Mânes.

Car, formant une allée de leurs couples alternatifs, à mes yeux s’offrent de monstrueux animaux. Face à face, répétant successivement agenouillés et debout, leurs paires, béliers, chevaux unicornes, chameaux, éléphants, jusqu’à ce tournant où se dérobe la suite de la procession, les blocs énormes et difformes se détachent sur le triste herbage. Plus loin sont rangés les mandarins militaires et civils. Aux funérailles du Pasteur les animaux et les hommes ont député ces pierres. Et comme nous avons franchi le seuil de la vie, plus de véracité ne saurait convenir à ces simulacres.

Ici, ce large tumulus qui cache, dit-on, les trésors et les os d’une dynastie plus antique, cessant de barrer le passage, la voie se retourne vers l’est. Je marche maintenant au milieu des soldats et des ministres. Les uns sont entiers et