Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/118

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mélangé avec sa demeure comme l’abeille avec sa cire et son miel.

Et longtemps nous suivons l’étroit sentier dans un tohu-bohu de foirail. Je revois cette petite fille dévidant un écheveau de soie verte, ce barbier qui cure l’oreille de son client avec une pince fine comme des antennes de langouste, cet ânon qui tourne sa meule au milieu d’un magasin d’huiles, la paix sombre de cette pharmacie avec, au fond, dans le cadre d’or d’une porte en forme de lune, deux cierges rouges flambant devant le nom de l’apothicaire. Nous traversons maintes cours, cent ponts ; cheminant par d’étroites venelles bordées de murailles couleur de sépia, nous voici dans le quartier des riches. Ces portes closes nous ouvriraient des vestibules dallés de granit, la salle de réception avec son large lit-table et un petit pêcher en fleur dans un pot, des couloirs fumeux aux solives décorées de jambons et de bottes. Embusqué derrière ce mur, dans une petite cour, nous découvrons le monstre d’une glycine extravagante ; ses cent lianes se lacent, s’entremêlent, se nouent, se nattent en une sorte de câble difforme et tortu, qui, lançant de tous côtés le long serpent de ses bois, s’épanouit sur la treille qui recouvre sa fosse en un ciel épais de grappes mauves. Traversons la ruine de ce long faubourg où des gens nus tissent