Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/137

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rouge et comme usée et poreuse, on a représenté deux îles accouplées par le point de vue, et dont le seul soleil couchant, par la différence des colorations, accuse les distances diverses ; même les chatoiements de la couche versicolore sont joués par ce lit de cailloux bigarrés que recouvre le contenu de deux carafes.


— Or, pour que j’insiste sur ma pensée.

L’artiste européen copie la nature selon le sentiment qu’il en a, le Japonais l’imite selon les moyens qu’il lui emprunte ; l’un s’exprime et l’autre l’exprime ; l’un ouvrage, l’autre mime ; l’un peint, l’autre compose ; l’un est un étudiant, l’autre, dans un sens, un maître  ; l’un reproduit dans son détail le spectacle qu’il envisage d’un œil probe et subtil ; l’autre dégage d’un clignement d’œil la loi, et, dans la liberté de sa fantaisie, l’applique avec une concision scripturale.

L’inspirateur premier de l’artiste est, ici, la matière sur laquelle il exerce sa main. Il en consulte avec bonne humeur les vertus intrinsèques, la teinte et, s’appropriant l’âme de la chose brute, il s’en institue l’interprète. De tout le conte qu’il lui fait dire, il n’exprime que les traits essentiels et significatifs, et laisse au seul papier à peine accentué çà et là par des indications furtives, le soin de taire toute