Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

studieusement dans ses mains, accomplit sa salutation devant ce colosse femelle au sein de qui un ancien Prince, averti par le mal de dents et un songe d’honorer son crâne antérieur, après qu’il l’eut trouvé pris par les mâchoires dans les racines d’un saule, inséra la bulle usée. À ma droite et à ma gauche, sur toute la longueur de l’obscur hangar, les trois mille Kwannon d’or, chacune identique à l’autre dans la garniture de bras qui l’encadre, s’alignent en gradins par files de cent sur quinze rangs de profondeur ; un rayon de soleil fait grouiller ce déversoir de dieux. Et, si je veux savoir la raison de cette uniformité dans la multitude, ou de quel oignon jaillissent toutes ces tiges identiques, je trouve que l’adorateur ici, sans doute, cherche plus de surface à la réverbération de sa prière, et s’imagine, avec l’objet, en multiplier l’efficacité.

Mais les sages longtemps n’arrêtèrent point leurs yeux aux yeux de ces simulacres bruts, et, s’étant aperçus de la cohérence de toutes choses, ils y trouvèrent l’assiette de leur philosophie. Car si chacune individuellement était transitoire et précaire, la richesse du fond commun demeurait inépuisable. Point n’était besoin que l’homme appliquât à l’arbre sa hache et au roc son ciseau : dans le grain de mil et l’œuf, dans les convulsions pareillement et l’immobilité