Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/188

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au long du jour, m’adore, et nourrit de la vertu de mon visage son cœur dévot. L’homme seul est mal recueilli sur sa tige ; il me dérobe ce sacré miroir en lui fait pour me réfléchir. Fuyons donc. Cachons cette beauté sans honneur ! » Aussitôt comme une colombe qui se glisse au trou d’une muraille, elle occupe, à l’embouchure du fleuve Yokigawa, cette caverne profonde et d’un quartier de roc énorme en bouche hermétiquement l’ouverture.

Tout soudain s’éteignit et d’un seul coup le ciel qu’il y a pendant le jour apparut avec toutes ses étoiles. Ce n’était point la nuit, mais ces ténèbres mêmes qui avant le monde étaient là, les ténèbres positives. La nuit atroce et crue touchait la terre vivante. Il y avait une grande absence dans le Ciel : l’Espace était vidé de son centre ; la personne du Soleil s’était retirée comme quelqu’un qui s’en va pour ne pas vous voir, comme un juge qui sort. Alors ces ingrats connurent la beauté d’Amaterasu. Qu’ils la cherchent maintenant dans l’air mort ! Un grand gémissement se propagea à travers les Iles, l’agonie de la pénitence, l’abomination de la peur. Comme le soir les moustiques par myriades remplissent l’air malfaisant, la terre fut livrée au brigandage des démons et des morts que l’on reconnaît d’avec les vivants à ce signe qu’ils n’ont pas de nombril. Comme un pilote pour mieux