Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/61

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l’homme communique avec sa mère. Le dormeur dort et ne peut se réveiller, il tient au pis et ne lâche point prise, cette gorgée encore est à lui.

La rue sent toujours son odeur de crasse et de cheveu.

Cependant les maisons deviennent plus rares. L’on rencontre des groupes de banyans, et dans l’étang qu’ils ombragent un gros buffle dont on ne voit que l’échine et la tête coiffée du croissant démesuré des cornes dirige sur nous ses yeux avec stupeur. Nous longeons les files de femmes qui vont aux champs ; quand l’une rit, son rire se propage en s’affaiblissant sur les quatre faces qui la suivent et s’efface à la cinquième. À l’heure où le premier trait du soleil traverse l’air virginal, nous gagnons l’étendue vaste et vide, et laissant derrière nous un chemin tortueux, nous nous dirigeons vers la montagne à travers les champs de riz, de tabac, de haricots, de citrouilles, de concombres et de cannes à sucre.