Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/95

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les trois arbres et l’eau, n’a point prolongé si vainement son attente que rien ne se soit pris à son amorce ; dans le fond de ses intestins il sent avec le croc de l’hameçon la traction douce du fil rigide, qui, traversant la surface immobile, l’emporte vers le plafond noir : une feuille tombant à rebours n’ébranle point le verre de l’étang.

— Qui sait où tu ne serais pas exposé, un jour, à rencontrer le vestige de ta main et le sceau de ton pouce, si, chaque nuit, avant de t’endormir, tu prenais soin d’enduire tes doigts d’une encre grasse et noire ?

— Amarré à l’orifice extérieur de ma cheminée, le canot, presque vertical, m’attend. Ayant fini mon travail, je suis invité à prendre le thé dans l’une de ces îles qui traversent le ciel dans la direction Est-Sud-Ouest. Avec l’entassement de ses constructions, les tons chauds de ses murs de marbre, la localité ressemble à une ville d’Afrique ou d’Italie. Le système des égouts est parfait, et de la terrasse où nous sommes assis on jouit d’un air salubre et de la vue la plus étendue. Des ouvrages inachevés, quais en ruines, amorces de ponts qui croulent, entourent de toutes parts la Cyclade.

— Depuis que la jetée de boue jaune où nous