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LES HOMMES, LES DIEUX

sur les autres, au hasard des migrations ou des simples déplacements d’aèdes créateurs.

De par leur propre loi, les mythes ne peuvent être d’une inspiration doctrinale. L’aède n’aura besoin que de sa propre inspiration pour les dire. Et dès qu’ils seront dits, ils prendront place de vivants dans les hallucinations de l’inconnu. Ce qui a tenté le génie de l’un repousse le génie de l’autre pour toutes diversités de poétiques interprétations, dont l’arbitre sera nécessairement la masse flottante des ignorances selon les dispositions obscures du moment. Les foules sont diverses et les aventures des personnages mythiques se croisent, s’entremêlent à tous moments. Des régions d’émotivités cultuelles, des patries mythiques se détermineront, aux fortunes des noms confondus avec les phénomènes. Qui donc oserait seulement tenter de faire le compte des mythes solaires ?

Le cas étant de linguistique, des érudits ont dépensé leur existence à pratiquer des voies d’accès dans cette confusion de légendes et de personnages partout et toujours emmêlés. Michel Bréal sur le mythe solaire d’Héraklès et de Cacus, Decharme dès ses premières pages sur les mythes de la Grèce, vous montreront, cependant, qu’à travers toutes les voies brouillées, des pistes d’objectivité peuvent être suivies. Que dire de l’Inde ? Où trouver les moyens de rapprocher, de lier, d’ordonner une telle matière en vue d’une synthèse des procédures de l’esprit humain, quand il faut remonter jusqu’aux sources de la pensée humaine pour retrouver, la trace mystérieuse des parentés de tous les Dieux de tous les temps. Quoi qu’il arrive, de grandes avenues de lumières sont déjà pleinement amorcées.

Il faudrait pousser jusqu’aux extrêmes frontières des origines lointaines, au temps où la subconscience des mentalités primitives portait plus aisément les intelligences à concevoir l’invisible en action sur le monde, que des objectivités de rapports qui demanderont des millénaires pour être imparfaitement débrouillés. Par le moyen des débris de langages, quelles monographies reconstruire des mythes assyriens, chaldéens, hindous, persans, égyptiens, grecs, latins même, pour ne citer que les plus notoires, avec des superfétations d’empiétements réciproques à constater, à interpréter ! Quels classements, quels développements à poursuivre ! Quelles fables, disparates ou simi-