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LES DIEUX, LES LOIS


Le ciel, le soleil, le feu.


Des primitives Divinités, que peut-on dire qui ne soit hypothèse ? M. Fustel de Coulanges, dans sa Cité antique, nous donne le foyer pour l’assise des premiers cultes. Tous les mythologues, cependant, sont d’accord pour constater la communauté des mythes du soleil avec ceux du feu. La rencontre du brasier humain étant nécessairement postérieure à celle de l’astre du jour, il faut bien que les lumières de la voûte céleste aient attiré, retenu l’attention des aïeux avant que la flamme des branchages ne vînt s’offrir à leur émerveillement, à leur reconnaissance.

C’est du ciel, en ce sens, que fondit sur l’homme, en des temps inconnus, le premier éclair de pensée[1]. Premier bond de l’intelligence vers des interprétations des phénomènes qui vont faire progressivement passer nos plus distants ancêtres de la mentalité animale à l’intellectualité naissante de l’homme redressé (homo erectus), pour l’élever plus tard à la qualification d’homme pensant (homo sapiens). À quelque moment qu’ait apparu l’institution du foyer, elle fut nécessairement précédée d’une période où la conservation de l’enfant fut, comme chez les animaux, le principal intérêt d’une union provisoire ou permanente, des parents. Que l’impulsion purement animale ait ainsi constitué primitivement des familles autour des nouveau-nés, en des âges qui nous sont inconnus, la vie présente de nos congénères inférieurs nous en offre assez de vivants témoignages. La famille humaine existait, sans doute, avant la découverte du feu qui l’a consolidée, d’une manière permanente, mais ne l’a pas plus créée que chez les animaux sans foyer, ou avec le foyer provisoire de l’antre ou du nid, dont les familles se développent actuellement sous nos yeux.

  1. Dans notre langage moderne, le mot de « Ciel » s’emploie encore couramment pour dénomination de la suprême Divinité.