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AU SOIR DE LA PENSÉE

laissées sans espoir d’un devenir. Voyez du Golgotha au Sacré-Cœur, à Lourdes, où en est tombée notre mythologie. Aux vitrines des musées de métaphysique figureront peut-être, quelque jour, les derniers vestiges de ces Dieux de Platon, de Philon, de Plotin, de Spinoza même, embrumés jusqu’aux abîmes du Nirvana, ultimes évaporations de sonorités verbales qui ne laisseront rien qu’un peu de bruit au fond du creuset.


Les lois.


Les Dieux évaporés, sans autre caput mortuum que l’illusoire retentissement d’un rêve, en quelle forme peut donc s’offrir à nous une conception de l’univers ? Nous en sommes présentement venus au point de nous poser ainsi le problème. Mais chacun voit assez quels développements d’efforts se trouvèrent requis, au cours des âges, pour obtenir des réponses aux questions surgies des rencontres d’observation. Les primitives cosmogonies, qui ne reculèrent devant aucune aberration de rêve, nous ont laissé le plus pur témoignage des premiers enchaînements d’interprétations imaginatives. Créations, Émanations, Processus de volontés sont les manifestations ordinaires des Puissances remontant jusqu’au « Principe éternel » qui semble échapper parfois, dans les livres sacrés de l’Inde, au rapetissement d’une personnification. C’est l’Atman védique, le Brahman, dont on ne peut dire que ce qu’il n’est pas, tel le Verbe de saint jean, ou le Saint-Esprit lui-même qui, sans doute, en procéda.

Les imaginations primitives, les originels jaillissements de pensées s’entremêlent avant de se choquer. La foule, avide de formules, dont la qualité ne l’embarrasse guère, ne pouvait que se laisser prendre au puéril appât de volontés surhumaines qui s’épuisent et se dissipent, au cours des âges, comme le grain de radium, par l’effet de leur seule activité. La métaphysique elle-même, née du besoin d’une compréhension supérieure, n’a pu que retarder l’événement. Il faut que le jour vienne ou les