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AU SOIR DE LA PENSÉE

les ordonner, des perceptions de mouvements qui sont parce qu’ils sont[1], et de les conduire à l’usage de nos appropriations.

Tout aboutit ainsi aux rencontres du Cosmos et de ce complexe d’organes qui constituent l’individu doué de la propriété de réfléchir le dehors, comme fait une eau limpide, cependant que la parole lui fournit des repères successifs de ses réactions organiques selon des méthodes plus ou moins serrées. « Des mots ! Des mots ! » raille Hamlet. Le mot n’en est pas moins notre suprême privilège, le plus obscur et le plus clair de ce que nous pouvons saisir des réalités liées d’un même cours sans commencement ni fin. Dans la mesure de mes moyens je prends note d’une onde qui passe, et lorsqu’on me demande d’en éclairer les passages, je réponds que ma découverte est d’un phénomène qui ne commence ni ne finit en aucun point. Ce n’est peut-être pas procéder très avant. Il est, cependant, assez clair que mes provisoires interprétations de relativités me permettent de connaître un peu et même beaucoup plus des réactions cosmiques que n’en ont pu deviner Moïse ni Manou.

Nos bonnes gens, intoxiqués d’absolu, font grande plainte de ma misère intellectuelle, et je leur ferais chorus dans l’inventaire de leurs propres richesses, s’ils voulaient bien me les étaler. Leur absolu explique tout, en effet, mais, de lui-même, point de nouvelles. On nous dit : « Il est ». Et comme c’est tout ce que je peux dire du Cosmos positivement observé, au moins gardé-je l’avantage d’un contrôle expérimental que l’absolu ne peut pas supporter.

Que l’absolu m’excuse donc si je lui fausse compagnie pour m’arrêter prosaïquement à une représentation cinétique du monde qui me le montre de mouvements dans l’éternelle action de se heurter, de se réfléchir, de se pénétrer, de se distinguer pour se recomposer selon des conditions d’enchaînements. Sous cet aspect, l’univers se déterminerait, dans les plans de notre relativité, comme un orchestre d’émissions, de radiations associées en des transpositions sans fin. Ainsi se bouclerait le cycle de l’infinité. L’existence des ondes vibratoires manifestée physiquement par l’écho, chimiquement par la photo-

  1. C’est ce qui a permis à Herbert Spencer de se mettre en règle avec l’orthodoxie anglaise, en plaçant au-dessus de l’observation positive la réserve d’une Puissance inconnue dont le sacerdoce peut faire son domaine intangible.