Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
CONNAÎTRE

Par la sensibilité, les réactions d’activités mentales se révèlent, à tous étages de la série animale, en des complexités qui vont croissant avec le développement organique. Le réflexe est la réponse directe de l’irritabilité organique à l’impression du dehors. Au toucher, la fleur replie ses pétales, le mimosa ses folioles, l’amibe se déforme en se rétractant. C’est le premier palier du phénomène de la vie. Les mouvements browniens, la contractilité du plasma fibrillaire sont connus. À mesure qu’on s’élève dans la lignée des organismes, les mouvements de transmission, avec leurs réactions nécessaires, se conjuguent pour entrer dans l’ordre d’une conscience encore obscurcie.

La série des différenciations organiques dont le nerf est le résultat pour des conductions d’énergie, n’en fait pas un conducteur indifférent. La chaîne de neurones (sensitifs et moteurs) développe le rôle actif du plasma qui rejoint le monde extérieur en des réseaux tentaculaires. Puis vient le jeu des centres non conscients où les neurones sensitifs et les neurones moteurs se complètent de neurones de synergie. Enfin, les centres conscients entrent en ligne. De l’être de subconscience à l’être de conscience formée, c’est une chaîne continue à mesure que se différencient les centres nerveux. Ainsi les enchaînements d’organes sensoriaux (révélateurs différentiels) amènent des synthèses de représentations, d’où émergent des liaisons d’images mentales aboutissant au déclenchement décisif de l’impulsion dite de volonté. Subconscience et conscience s’y trouvent progressivement étagées jusqu’aux états de conscience suraiguë qui sont de morbidité.

Résultat d’une évolution, la conscience, ou connaissance représentative des choses, évolue sous nos yeux, et nous n’avons pas besoin de remonter bien haut dans l’histoire pour découvrir que notre conscience de ce jour, si ouverte aux critiques qu’elle puisse être, se trouve mieux établie et plus fortement outillée que celle de nos aïeux. Tous réflexes d’inconscience et de subconscience entre-croisés, l’homme s’individualise en une croissante complexité de phénomènes infrangiblement conjugués. C’est son Moi, sa sensation de personnalité, de volonté, dont il affronte l’univers pour une installation passagère de grandeur subjective dans l’éternelle immensité.

C’est ainsi que l’homme est conduit à concevoir la connais-