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AU SOIR DE LA PENSÉE

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La découverte, relativement récente, des livres sacrés de l’Inde et de la Perse, avec le retentissement de ces deux pays sur la Grèce d’où nous procédons à travers l’antiquité romaine, nous avait trop vite induits, nous dit-on aujourd’hui, à considérer les Indiens comme le peuple initiateur. On nous demande maintenant de mettre au premier rang des pays devanciers la Chaldée et l’Égypte qui se seraient épuisées dans l’effort. Trois cents ans avant Alexandre, la Perse avait conquis la vallée de l’Indus et la province actuelle du Pendjab. Que de mouvements de pénétration avaient nécessairement précédé, de peuple fort à peuple faible ! Les monuments, les monnaies, font foi que l’Inde septentrionale — émanation de force vive au regard du sud de la grande presqu’île — n’avait pas encore ouvert les vallées de l’Indus et du Gange aux Aryens de l’Oxus, aux termes de l’ancienne hypothèse, quand déjà l’Euphrate et le Nil présentaient de florissantes « civilisations », mères des mouvements de pensée d’où seraient issues les plus hautes formules de l’humanité.

On admet aujourd’hui que les Aryas paraissent originaires de la vallée du Danube aux plaines cultivées. On nous dit qu’ils passèrent en Asie par le Bosphore et les vallées du Tigre et de l’Euphrate. Une partie des émigrants se serait fixée dans l’Iran, une autre dans le Pendjab, « pays des cinq rivières », c’est-à-dire dans la vallée de l’Indus. Ainsi se serait formé le peuple le plus ancien des envahisseurs de l’Inde, tandis que les autres branches aryennes allaient recouvrir l’Europe de leurs rameaux, nettement distincts du sémite et du turco-mongol. La parenté des idiomes indo-européens n’est pas discutable. La philologie comparée, l’étude comparée des religions et du folk-lore nous font toucher du doigt des développements de commune mentalité.

Refoulés par l’invasion aryenne, les Dravidiens des vallées de l’Indus et du Gange, comme du plateau du Dekkan, étaient-ils des aborigènes ou des émigrants antérieurs ? Question oiseuse. Le mot aborigène n’exprime rien qu’une hypothèse d’inconnaissance. Cela réduit-il à néant le thème de l’émigration du Pamir par les vallées de l’Oxus ? On n’en saurait rien dire, sinon que les hauts plateaux suggèrent plutôt des mouvements d’émigration, tandis que les plaines de riche culture paraissent propres