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COSMOGONIES

ont le remarquable avantage de ne pouvoir errer, pour un temps, que par de fugitives interprétations. Sans commentaires trompeurs, ils continuent de dire ce qui a été. Le feu se rencontre, et des conditions imprévues de développement social se font jour tout aussitôt. L’explication scientifique du phénomène sera trouvée plus tard. Mais cendre et charbon dans une anfractuosité rocheuse demeurent une irréfutable démonstration.

Je ne voudrais pas pousser trop loin l’argument, car la valeur de l’écriture demeure incomparable. Cependant, il faut bien reconnaître que les documents muets de la préhistoire nous en ont plus appris sur nos origines, et nos évolutions successives de primitivité que les plus précieux manuscrits tenus pour « sacrés », dont les légendes dénaturent (de bonne foi, pour les avoir voulu trop tôt interpréter) des phénomènes inexplicables par les « lumières » des premiers âges. On ne peut pas méconnaître que les « haches » de Boucher de Perthes ont, du jour au lendemain, bouleversé l’ancienne « histoire » qui ne se remettra jamais de cet effondrement de ses œuvres vives. L’idéalisme mythologique avait, cependant, le plus beau jeu dans ce drame d’une mentalité supérieure, où toutes les obscurités s’accumulaient sur nos activités élémentaires, en des temps où toutes les apparences conspiraient à nous décevoir.

Quoi qu’il en soit, ce fut un pas difficile à franchir, quand, à défaut de la documentation consignée par l’écriture, il fallut se résoudre à interroger directement les traces, plus ou moins manifestes, de la plus lointaine existence. Cependant, les premiers silex une fois déterminés, avec la distinction du « paléolithique » et du « néolithique », les fouilles allaient précipiter l’événement. Knossos, Phaistos, nous donnaient le musée de Candie. Taxila dégageait ses larges avenues, ses temples, ses édifices publics ou privés, nous rendait une ville de l’Inde du temps d’Alexandre, livrait toute une documentation d’histoire jusqu’alors ignorée. Et voici maintenant que des villes préhistoriques de l’Inde se découvrent, qui nous font pénétrer d’un bond, au cœur de l’inconnu.

L’Égypte, la Mésopotamie, Babylone, Suze, Ninive nous avaient déjà livré des parties de leurs mystères. Mais ce n’était là, encore, que le substratum d’une histoire en partie consignée dans des annales de rares documents. L’Europe, avec ses