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AU SOIR DE LA PENSÉE

nous ne connaissons rien. Les migrations, dont des traces incertaines nous sont parfois demeurées, y jouèrent, sans doute, un rôle déterminant. Les vents ont emporté jusqu’aux derniers vestiges de cette antique poussière d’humanité en efforts de penser.

Quelles voies s’ouvrirent des continents indéterminés d’où les premiers Aryens émergèrent jusqu’aux passages qui allaient leur livrer les accès des vallées et des plaines de l’Asie et de l’Europe, c’est ce que nous ne saurons probablement jamais. De la vie des attroupements de cette humanité primitive, aucune indication ne subsiste, sauf des outils de silex et des monuments mégalithiques qu’on rencontre partout et qui semblent dire l’état uniforme d’une humanité imprécise terrestrement répandue. Les traditions différentes n’apparaissent que postérieurement aux installations qui suivirent les mouvements des tribus indo-européennes à travers l’Iran, les vallées de l’Indus et du Gange, jusqu’aux montagnes de la Birmanie, pour se distribuer, d’autre part, en Europe, dans des conditions qui nous sont inconnues.

Pour l’aventure des migrations humaines, nous avons les savantes hypothèses de la philologie. En toutes matières, le génie peut errer (Descartes, Cuvier nous l’ont fait voir), aussi bien que nous éblouir. De très précieuses remarques nous sont fournies par l’étude comparée des développements du langage. Ici, je ne saurais les aborder.

Dans sa consciencieuse Histoire de l’Asie, M. René Grousset inaugure son étude par une note sur l’origine des Indo-Européens, où les migrations du Pamir sont traitées par prétérition pour mettre en relief « le berceau baltique (Lithuanie, Pologne) des peuples parlant des langues européennes ». Une autre hypothèse substitue à la région baltique, pour point de départ des Indo-Européens, les plaines de la Russie méridionale au nord de la mer Noire, sur les bords du Dnieper, entre le Danube et la Volga. De là, l’avant-garde orientale serait partie vers l’Asie en deux groupes : les Indo-Iraniens par le Don, la Basse-Volga et le Caucase, et les Hittites adorateurs — comme les Indo-Iraniens — de Mithra et de Varouna dont les noms figurent sur les inscriptions de Boghaz-Keui, par la Thrace et le Bosphore. Le reste des tribus indo-européennes se serait dirigé, par la plaine de Hongrie, vers l’Europe méridionale et