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COSMOGONIES

du mal, a, au moins, le mérite d’une recherche de généralisations. Deux Dieux suprêmes, non sans l’obligatoire accompagnement d’une multitude de sous-Divinités, c’est à quoi se résigne l’ambition théologique de l’unité Zoroastrienne qui ne peut être satisfaite chez nous que par l’installation d’une Trinité.

L’Égypte de culte solaire, comme l’Iran lui-même, se découvre féconde en mythes ingénieux exigeant des rites formellement réglés dans une pauvreté d’invention métaphysique qui atteste des insuffisances de besoins mentaux.

Nombreuses sont les cosmogonies de la Grèce. L’élément primordial est l’Océan pour Homère, la Terre pour Hésiode, l’Air pour Épiménide, l’Éther pour les Rhapsodes, etc., etc… Un ordre des éléments se cherche au gré des imaginations, attestant un besoin supérieur de coordonner. Les cosmogonies des poètes s’opposent à celles des métaphysiciens. Dans les fragments dits d’Orphée, dans Hésiode, dans Homère, dans Phérécyde[1], maître de Pythagore, avec sa métempsychose, nous ne pouvons que retrouver des éléments analogues à ceux de l’Inde, parmi des générations de Divinités en plein essor. Cependant une poésie de métaphysique, c’est-à-dire d’un jeu d’abstractions réalisées représentant des personnalisations de l’inconnu, devait s’offrir aux esprits sous l’aspect d’un achèvement supérieur. Pour de tels exercices, le rêve ouvrait un assez beau champ d’envolées. Aussi l’Hellène, engagé sur la pente des formations orientales, se trouva-t-il maintenu, par ses philosophies, dans la tradition hindoue de métaphysiquer l’univers, après l’avoir mythisé.

Préparée depuis longtemps, l’heure d’une philosophie expérimentale de l’univers s’annonçait. Des temps les plus lointains, l’Ionie, mère des pensées, avait, par Thalès de Milet, fait dériver les simplicités du culte hellénique vers les spéculations d’un panthéisme d’Asie. Empédocle, Démocrite, Épicure, Anaxagore, en des doctrines de réaction contre les mythes poétiques des aèdes, avaient, en somme, rédigé les épitaphes des Dieux de l’Olympe. Platon, et Aristote lui-même, en quête de la nature des choses, avec leurs futurs disciples, juifs ou chrétiens, devaient

  1. Phérécyde n’admettait pas les sacrifices aux Dieux. C’était, vers le même temps, la doctrine du Bouddha.