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COSMOGONIES

tions s’accumulent sans jamais lasser la confiance toujours prête à tout assimiler. Que peut-on demander de plus compréhensif ? Autant se jeter en pleine mer pour conquérir une bulle d’écume que de vouloir entrer dans cette mythologie en vue d’une leçon d’expérience à fixer.

Une simple citation seulement de l’hymne fameux du Rig-Véda où s’entr’ouvre l’abîme de la pensée hindoue :

« Il n’y avait ni existence, ni non-existence, ni air, ni ciel au delà.

« Qu’est-ce qui couvrait tout ? Où reposait tout ? Dans l’eau du golfe profond.

« Il n’y avait alors ni mort, ni immortalité, ni changement du jour et de la nuit.

« L’Un respirait dans le calme, ne dépendant que de lui-même. Rien d’autre au delà.

« L’obscurité, ensevelie dans l’obscurité, était d’abord une mer qui défiait la vue.

« Cet Un, le vide enveloppé de chaos, s’accrut d’une ardeur intime, d’où s’élança d’abord le désir, germe primitif de l’esprit que rien n’attache à l’existence, comme l’ont découvert les sages chercheurs.

« Le jet de flamme qui jaillit à travers le sombre et effroyable abîme était-il en dessous, en haut, au-dessus ? Quel aède peut répondre à cela ? Là se trouvaient les puissances de fécondation, et d’incommensurables forces étaient en effort. Une masse autonome était en dessous et l’énergie au-dessus. Qui sait, qui a jamais dit d’où cette vaste création est issue ? Aucun des Dieux n’était encore, qui pût découvrir la vérité. D’où est jailli ce monde ? Et s’il fut, ou non, charpenté par une main divine, son Seigneur dans le ciel peut seul le dire, et même peut-être ne le sait-il pas. »

Plus ample encore et peut être plus puissante la version de ce morceau capital donnée par Max Muller dans ses Essais sur l’histoire des religions ! je n’hésite pas à la mettre en regard du texte qui nous fut primitivement offert pour permettre au lecteur toutes comparaisons de nuances :

« Ce que je te demanderai, dis-le-moi, vraiment, ô Dieu vivant, comment est apparue la meilleure vie présente. Par quels moyens les choses présentes doivent-elles être soutenues…

« Ce que je te demanderai, dis-le-moi vraiment, ô Dieu vivant,