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CHAPITRE IX

COSMOLOGIE.

Sentir le monde, l’interpréter.

La sensation réagit par le rêve, c’est-à-dire par des interprétations incoordonnées, avant d’en arriver aux interprétations méthodiques de la pensée qui font sortir la connaissance positive de l’observation contrôlée. Pour distinctes qu’elles soient, les deux activités mentales, fonctionnant simultanément dans tous les ordres de sensations, s’entre-croisent pour s’opposer ou se rejoindre, et former des conjugaisons d’harmonie ou de désaccords qui expriment des moments de l’homme divers et passager.

Rien de plus propre à caractériser l’incohérence de ces aspects de nous-mêmes que la rencontre des affirmations dogmatiques et des hypothèses d’observation dans la matière des cosmologies. Livres sacrés ou profanes, l’opposition est telle que nos hypocrisies sociales sont réduites au silence quand il faut se prononcer.

L’aède et le métaphysicien diffèrent sans remède d’avec le savant, bien qu’ils n’aient généralement point de relâche dans leur recherche d’une apparente conciliation. Mais quoi ! L’aède est sur les planches, le métaphysicien dans les nuées, et le savant en son laboratoire. L’un nous ravit et l’autre nous aveugle. Seul, l’observateur peut nous éclairer. J’ai rendu mes devoirs aux muses d’Hésiode qui se vantent de mêler le faux et le vrai pour nous plaire. Contrôlée par tous recoupements, la sensation nous offre la ferme plate-forme d’expérience où se fonde le phénomène de la connaissance positive.

Ou sommes-nous ? Quelque part. Dans l’absence de repères, c’est la seule réponse pertinente. Cependant, nous voulons être