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COSMOLOGIE

dans son audacieuse ascension vers une connaissance du monde toujours accrue. De grands noms comme ceux d’Archimède, de Roger Bacon, de tant d’autres annonciateurs des temps modernes, avaient depuis longtemps marqué d’un trait certain la voie sacrée de l’inconnaissance animale aux méconnaissances humaines, qui, par les recours de l’observation, vont se muer en approximations de connaissances vérifiées.

Je joindrais volontiers à tous éminents cosmologues le roi Alphonse X de Castille, qui, au treizième siècle, faisait publier par les astronomes arabes ses Tables astronomiques, et, même les appuyait de cette remarque hardie : « Si lors de la création, j’avais été admis au conseil du Dieu suprême, plusieurs choses eussent été mieux faites et dans un ordre meilleur ». Pour prendre à son compte une telle critique, il n’est pas indifférent de se trouver du bon ou du mauvais côté de la barricade. D’une telle parole d’un tel personnage, il appert que des temps nouveaux étaient décidément en chemin.

L’histoire des cosmologies ne fut jusqu’à Képler qu’un prodigieux mélange de rêveries, de calculs dans les nuées, de fragments d’observations positives interprétées au hasard des superstitions. Quelques traits de lumière n’apparaissent qu’au moment où des observations commencent à se corroborer, à se fortifier réciproquement pour les premières ébauches d’une synthèse traversée d’irréductibles méprises. Des rêves d’abord, c’est-à- dire des vols d’imagination auxquels des réactions d’expérience imposeront le contrôle qui doit les abolir ou les justifier.

Les mythes cosmologiques, dont j’ai noté des thèmes à titre d’indications, nous font simplement apparaître les premiers mouvements de l’esprit humain. Rien ne serait plus vain que de vouloir doctriner le passage de la méthode imaginative à la méthode d’observation. L’imagination primitive elle-même eut besoin d’une donnée du monde extérieur (juste ou fausse) pour ses « créations » dont l’unique procédure est de déformations successives de la réalité. D’imagination furent nécessairement, pour une part, les premiers efforts d’une connaissance d’observations superficielles dans l’absence de tout critère. Des conditions d’activité et de méthode radicalement différentes, procédant aussi bien de la spontanéité du rêve que du labeur ordonné de l’observation vérifiée, devaient fatalement amener des dispropor-