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COSMOLOGIE

solidement édifiées. Cependant, s’ils consentent à mûrir leur jugement, ils reconnaîtront que l’auteur n’a rien fait de répréhensible. Le rôle de l’astronome est, en effet, d’écrire l’histoire des mouvements célestes à l’aide d’observations menées avec diligence et avec art… Il n’est pas nécessaire que ces hypothèses une fois posées soient vraies ou même vraisemblables[1]. Il suffit qu’elles permettent de rendre compte des observations pour le calcul… » Il est douteux que Copernic ait jamais eu connaissance de ce texte. Le premier exemplaire de son ouvrage, dédié au pape Paul III, ne lui parvint que quelques jours avant sa mort. Il avait annoncé dans son introduction la réprobation inévitable : « On criera haro sur moi », dit-il tranquillement, en essayant de se couvrir de deux hommes d’Église qui lui avaient conseillé de passer outre.

À Képler revint l’honneur de prononcer les paroles définitives. « jamais, écrit-il, je n’ai partagé l’avis de ceux qui s’efforcent de prouver que les hypothèses de Copernic peuvent être fausses, et que cependant des phénomènes réels peuvent en découler comme de leurs principes propres. Je n’hésite pas à prétendre que tout ce que Copernic a annoncé a posteriori et prouvé par l’observation, tout cela pourrait sans difficulté être démontré a priori au moyen d’axiomes géométriques ».

La vérité est qu’une audacieuse astronomie (la plus ancienne science qui soit) avec le développement de mathématique qu’elle commande, a groupé les premiers efforts de l’esprit d’observation dans l’ordre d’une connaissance expérimentale de l’univers. Chaldéens, Égyptiens, Ioniens, Hellènes, y ont d’abord apporté des disciplines mentales par lesquelles l’entendement humain a pu non seulement aborder les plus ardus problèmes, mais encore surmonter les violentes résistances de « l’opinion compacte, »[2] des foules dévoyées.

  1. Vous faut-il la confirmation de saint Thomas lui-même ? « Les astronomes se sont efforcés de diverses façons d’expliquer le mouvement des planètes. Mais il n’est pas nécessaire que les suppositions qu’ils ont imaginées soient vraies, car, peut-être, les apparences présentées par les étoiles pourraient-elles être sauvées par quelque autre mode de mouvement inconnu des hommes. » Une seule « certitude » plane au-dessus de tout : celle qui ne s’arrête pas à l’observation.
  2. Ibsen, L’Ennemi du peuple.