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AU SOIR DE LA PENSÉE

l’observation. Reprise du labeur humain à pied d’œuvre dans l’éternel chantier.

Alors, la grande revue des grands penseurs d’Ionie, avec leur légitime descendance. Les premières observations de la Chaldée et de l’Égypte ont fondé l’astronomie. Le gnomon, déjà connu de la Chine, arrive, on ne sait comment, aux continents de la mer Égée. Et Thalès de Milet, simple marchand voyageur dont les camarades ne laissaient pas de pirater à la fortune des circonstances, renonce au trafic profitable pour déterminer les saisons et mesurer le diamètre du soleil. Sept cents ans avant notre ère, il y gagne de devenir l’un des sept sages de la Grèce — antique schéma d’Académie qui fut l’indice d’une révolution dans le monde jusque-là plus occupé de violences profitables, et de rêves à métaphysiquer que de connaissances positives.

Avec Thalès vont se retrouver Anaximandre, Anaximène, tous deux de Milet encore, Héraclite d’Ephèse (sixième siècle avant Jésus-Christ) abordant la cosmologie pour des solutions éventuelles d’expérience et d’imagination mêlées. Les faits se coordonnent, les vues se systématisent. Héraclite, le premier de tous, pose hardiment le principe de la relativité. Xénophane de Colophon, Archélaüs, Diogène d’Apollonie, Empédocle instituent une recherche de la nature, Leucippe (de Milet, toujours), Démocrite, Épicure, bâtissent le monde sur l’hypothèse atomique, aujourd’hui vérifiée. Les mathématiques apportent leur contrôle, leur étai, pratiquent leurs percées. Avec Aristote, une physique, une science naturaliste se constituent. Pythagore annonce la terre sphérique et Philolaüs la met en mouvement, cependant que Parménide, pour une pleine mise en valeur des méthodes opposées, métaphysique l’univers indifférent. Enfin, Platon, héraut de la métaphysique savante, en compagnie d’Aristote — doctrinaire de la nature — va préparer la grande réaction des entités, des essences et des entéléchies, définitivement mises à mal par les Hipparque, les Ptolémée, les Roger Bacon, les Copernic, les Képler, les Galilée, les Newton, jusqu’à l’apparition de Lavoisier.

La vie de Galilée, surtout, fut, par excellence, le drame de l’homme d’expérience aux prises avec les traditions farouches d’un long cauchemar d’imagination. Il commença par en rire avec Kléper : il finit par en pleurer. « On n’enterrera pas mon corps