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COSMOLOGIE

et mon nom en même temps », avait-il coutume de dire. Il n’eut besoin de patienter que deux cents ans pour que le Saint-Siège, « infaillible », déclarât « licite » (septembre 1822) l’enseignement du mouvement de la terre, en attendant la « réhabilitation » de Jeanne d’Arc — glorieuse manifestation du dogme de « l’infaillibilité ! »

Avec le couronnement de l’œuvre de Newton dont les formules de la loi de gravité sont aujourd’hui familières à tout le monde, il semble que nous arrivions au relais d’un effort de compréhension cosmique où se sont accumulés assez de millénaires pour nous permettre une pause dans l’immense aventure d’une conquête humaine de l’univers. Cet univers, en ses féeries de révolutions enflammées, il est là, sous nos yeux, et l’innocente lentille de la lunette de Galilée nous éblouit d’un vertige de monstrueux feux-follets dont Isaac Newton nous annonce la loi des révolutions. Quand on est parti des fables primitives, si profondément ancrées dans nos gestes et nos voix par une longue stabilisation de méconnaissances, il semble que ce soit un assez beau moment de pouvoir se tenir ferme à cette simple formule des mouvements du monde : « Dans l’univers, les mouvements s’effectuent comme si deux corps quelconques étaient soumis à une attraction proportionnelle au produit de leurs masses et à l’inverse du carré de leur distance ».

C’est la loi de gravitation par laquelle un abîme d’inconnu vient d’être décidément franchi, en attendant les chances des prochaines rencontres. Nous sommes l’un des produits temporaires du Cosmos en ses activités de partout, de toujours. Notre conscience des choses s’attache à vivre l’évolution de pensée qui ne pourrait être que d’incohérences, si elle n’était suprême élément des sensations de l’univers. Cette intervention de notre organisme individuel dans les directions de la vie (où le pouvoir du Moi lui-même se trouve inclus) constitue l’ultime synthèse de nos énergies sous l’émotive impulsion de notre sensibilité. Les grands rêves de la métaphysique se trouvent avoir préparé les grandes réalisations mentales de la compréhension positive enfin réalisée.

Et si, ce que l’homme ne peut atteindre, il faut qu’en des formes changeantes il continue de le rêver, un poème nouveau se substituera aux poésies dépoétisées pour maintenir nos agitations dans le courant d’espérances inespérées. C’est l’idéal