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AU SOIR DE LA PENSÉE

vivace qu’aucune connaissance d’observation positive ne peut décourager. Qu’il soit haut, ou médiocre (comme c’est le cas le plus fréquent), « l’idéal », aspiration d’harmonie supérieure, fait jaillir du plus profond de nous-mêmes l’irrésistible élan de l’action décisive. Qu’il soit en juste ou en insuffisante coordination avec les réalités du monde extérieur et de l’homme lui-même, l’effet n’en sera pas différent (il faut avoir le courage de le dire), puisque toutes les croyances ou opinions contradictoires ont produit tour à tour d’identiques vertus d’humanité.

Des émotions organiques progressivement transposées dans les évolutions de la connaissance, nous ne pouvons pas attendre une conquête d’idéal absolu. Aussi bien que toutes activités organiques, nos idéals ne peuvent être que de relativités à la mesure d’imaginations définies. Cela suffit pour la continuité de nos légitimes manifestations de nous-mêmes, puisqu’il demeure en nous des puissances d’émotions successives toutes prêtes pour nos renouvellements d’énergies. On pourrait voir ainsi dans l’idéal une anticipation d’émotivité qui va se transformant à mesure que, par l’effort de la connaissance accrue, des parties de prévisions hâtives doivent être éliminées. C’est la marche en échelons, avec l’imagination et l’expérience comme soutiens d’audace et de sûreté. Il est indispensable d’assurer les voies de la connaissance. Mais, pour cela même, à tous risques, faut-il d’abord marcher. Quelle que soit l’étoile, sa lumière sera toujours plus profitable que l’obscurité[1].

Cosmologie d’expérience.

Dans les temps primitifs de notre humanité, le ciel n’était pas autre qu’aux yeux de Copernic, de Galilée, de Kant, de Newton, de Laplace, de toutes les intelligences en quête de nouveaux champs de connaissance humaine. Cependant, quel abîme

  1. Je ne crains pas de dire que la question de l’idéal est encore, comme Dieu lui-même où je ne vois qu’une de ses catégories, un chapitre à classer de la cosmologie.