Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/105

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calme nécessaire pour qu’elle me permît de quitter son appartement et de venir vous trouver. Je sais bien que ceci est une affaire de famille, pour laquelle je ne devrais pas vous consulter, car vous ne pouvez y prendre aucune part, aucun intérêt…

— Pardon, miss Halcombe !… Je prends la plus vive part, le plus profond intérêt à tout ce qui peut affecter le bonheur de miss Fairlie ou le vôtre.

— Je suis heureuse de vous entendre parler ainsi. Soit ici soit ailleurs, vous êtes la seule personne de qui je puisse attendre un bon avis. Pour M. Fairlie, dans son état de santé, avec l’horreur que lui inspirent les difficultés et les secrets, quels qu’ils puissent être, il est impossible même d’y songer. Notre ministre est un homme bon et faible qui, hors la routine de ses devoirs, n’entend rien à rien ; et nos voisins appartiennent justement à cet ordre de relations vulgairement commodes, qu’il n’est pas permis de déranger aux moments de trouble ou de péril. Ce que je voudrais savoir est ceci : dois-je immédiatement prendre toutes les mesures en mon pouvoir pour découvrir l’auteur de la lettre ? dois-je, au contraire suspendre mes démarches et aller trouver demain l’homme de loi chargé des intérêts de M. Fairlie ? Toute la question, — peut-être fort importante, — est de perdre ou de gagner vingt-quatre heures. Dites-moi, monsieur Hartright, ce que vous en pensez. Si je n’avais déjà été contrainte, dans des circonstances fort délicates, de vous admettre à ma plus intime confiance, peut-être mon isolement même ne m’excuserait-il pas d’avoir recours à vous. Mais les choses étant ce qu’elles sont, et après tout ce qui s’est passé entre nous, je ne dois certainement pas avoir tort d’oublier la date si récente de notre amitié…

Elle me passa la lettre qui, sans autre formule préliminaire, débutait brusquement comme suit :

« Croyez-vous aux rêves ? Je l’espère pour vous. Voyez ce que dit l’Écriture touchant les rêves et leur réalisation (Genèse XI, 8, XII, 25 ; Daniel IV, 18-25) ; profitez ensuite,