Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/119

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— Quelle personne ?

— Sans le savoir, l’instituteur vous l’a dit. En vous parlant de la mystérieuse figure que l’enfant a vue dans le cimetière, il l’a désignée ainsi : — Une femme en blanc.

— Ce n’est pas Anne Catherick ?

— Si… c’est Anne Catherick…

Elle passa son bras sous le mien, et s’y appuya, comme près de se laisser tomber.

— Je ne sais pourquoi, dit-elle à voix basse, mais, dans ce soupçon qui vous est venu, quelque chose me trouble subitement et semble m’ôter toute énergie. Je ressens… Ici elle s’arrêta et tâcha d’écarter en riant l’idée qui s’offrait à elle. — Monsieur Hartright, continua-t-elle ensuite, je vais vous montrer le tombeau, et rentrer ensuite immédiatement. Je ne dois pas laisser trop longtemps Laura toute seule ; il vaut mieux que je revienne lui tenir compagnie…

Nous étions, quand elle parla ainsi, près du cimetière. L’église, triste édifice de pierre grisâtre, était située au fond d’un petit vallon, de manière à se trouver abritée contre les vents froids qui balaient, de tous côtés, cette contrée marécageuse. Se détachant du flanc de l’église, le champ du repos semblait gravir la pente de la colline. Il était entouré d’une muraille peu élevée, en pierres brutes, et découvert de tous côtés, si ce n’est à une de ses extrémités, où un petit ruisseau s’écoulait, pour ainsi dire, goutte à goutte, au penchant du coteau pierreux, et où un bouquet d’arbres nains projetaient leurs ombres étroites sur un gazon ras et clair semé. Au delà du ruisseau et des arbres, et non loin des trois barrières de pierre qui, d’espace en espace, marquaient les entrées du cimetière, s’élevait la croix de marbre blanc qui distinguait des humbles monuments dispersés autour d’elle, la tombe de mistress Fairlie.

— Je n’ai pas besoin de vous accompagner plus loin, me dit miss Halcombe en me désignant ce tombeau. Si vous découvrez quelque chose qui vous confirme dans l’idée dont vous m’avez parlé, ne me la laissez pas ignorer !… Nous nous reverrons au château…