Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/217

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tait l’attendre. À ces mots il changea de couleur, et quand vint mon tour de lui prendre la main, je m’aperçus qu’il tremblait un peu. La matinée du lendemain allait décider de son avenir ; il s’en doutait, évidemment.

Par la petite porte qui fait communiquer nos deux chambres à coucher, j’allai, comme à l’ordinaire, souhaiter à Laura le bonsoir, avant qu’elle s’endormît. En me penchant sur elle pour l’embrasser, je vis le petit portefeuille d’Hartright à demi-caché sous son oreiller, juste à la même place où, toute enfant, elle mettait ses jouets favoris. Je ne pus trouver dans mon cœur aucune parole de blâme ; mais en secouant la tête, je lui montrai le cahier. Elle leva les deux mains jusqu’à mes joues, et, abaissant doucement mon visage au niveau du sien, posa ses lèvres au bord des miennes.

— Laissez-le moi ce soir ! murmurait-elle. Demain, peut-être, sera cruel, et me forcera de lui dire adieu pour jamais !…

« 9 octobre. » Le premier incident de la matinée n’a pas été de nature fort encourageante ; une lettre m’est arrivée du pauvre Walter Hartright. C’est une réponse à celle où je lui expliquais comment sir Percival s’était justifié des soupçons provoqués par la lettre d’Anne Catherick. Il parle très-brièvement, et non sans amertume, des explications fournies par sir Percival, se bornant à dire, qu’il « n’a aucun droit de juger la conduite de ses supérieurs ». Voilà qui est assez triste ; mais les quelques passages où il est question de lui me chagrinent plus encore. Il dit que l’effort par lequel il essaie de revenir à ses anciennes occupations, au lieu de lui être plus facile, lui semble plus pénible de jour en jour, et il me prie d’employer tout le crédit que je puis avoir, à lui obtenir un travail qui l’éloigne forcément de l’Angleterre, qui le transporte sur un autre théâtre, et lui donne d’autres relations. Je me suis vue d’autant plus disposée à lui complaire en ceci, que certain passage, à la fin de sa lettre, m’a presque effrayée.

Mention faite de ce qu’il n’a ni vu, ni entendu quoi que ce soit, au sujet d’Anne Catherick, il s’interrompt tout à