Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/236

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et nous avait écrit en conséquence, pour nous rappeler à Limmeridge.

Quand il m’eut, hier, dans un entretien particulier, fait connaître tous ces détails, M. Fairlie m’invita, — prenant pour cela ses formes les plus suaves, — à ouvrir, dès aujourd’hui, les négociations indispensables. Comprenant qu’il était inutile de résister, à moins d’y être d’abord autorisée par ma sœur, je consentis à lui transmettre le message dont on me chargeait pour elle, non sans déclarer en même temps que, pour rien au monde, je ne voudrais faire le moindre effort afin de déterminer son consentement aux désirs de sir Percival. M. Fairlie me fit compliment, à cette occasion, sur ma « bonne et solide conscience, », tout comme si, à la promenade, il m’avait félicitée d’avoir une « bonne et solide constitution ». Il semblait, du reste, parfaitement satisfait d’avoir fait glisser de ses épaules sur les miennes, une des responsabilités dont le fardeau était si lourd à cet étrange chef de famille.

Ce matin, ainsi que je l’avais promis, j’ai parlé à Laura. Le singulier sang-froid, — l’insensibilité, pourrais-je dire, — qu’elle a si résolument conservé, depuis le départ de sir Percival, ne s’est pas trouvé à l’épreuve des nouvelles que je devais lui transmettre. Devenue tout à coup fort pâle, et saisie d’un tremblement marqué : — Pas si tôt ! disait-elle, avec un accent suppliant… Oh ! Marian, pas si tôt !…

Le plus léger signal, venant d’elle, me suffisait et de reste. Je me levai pour quitter la chambre et aller, à sa place, vider sa querelle avec M. Fairlie.

Au moment où ma main poussait la porte, elle me saisit néanmoins par ma robe, et s’efforça de me retenir.

— Laissez-moi, disais-je. La langue me démange d’aller dire à votre oncle que sir Percival et lui ne nous feront pas subir toutes leurs fantaisies…

Soupirant amèrement, elle n’avait pas lâché ma robe.

— Non ! disait-elle, d’une voix affaiblie… il est trop tard !

— Pas trop tard d’une minute, répliquai-je. La question de date « nous » appartient, — et veuillez vous en rap-