Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/254

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cinq minutes au même endroit. Sa petite toux, aiguë et sifflante, le harcelait plus que jamais. Il n’a fait, toute la journée, qu’entrer et sortir : et, pris tout à coup d’une curiosité que je ne lui connaissais pas, il questionnait tout le monde, jusqu’aux étrangers venus au château pour quelque petit message. Ajoutez à tout ceci, une pensée, toujours présente à l’esprit de Laura et au mien, celle de notre séparation dans quelques heures, et la crainte, — dont nous ne parlions ni l’une ni l’autre, bien qu’elle nous hantât toutes deux, — que ce déplorable mariage se trouve, en fin de compte, l’erreur fatale de sa vie, le chagrin désespéré de la mienne. Pour la première fois, depuis tant d’années d’étroite et heureuse intimité, nous évitions presque de nous regarder l’une l’autre au visage, et nous nous sommes abstenues, par un muet accord, d’échanger un seul mot en particulier, pendant toute la soirée. Je ne saurais insister plus longtemps sur tout ceci. Quelque chagrin que l’avenir me garde, je retrouverai toujours dans ma mémoire cette journée du 21 décembre, comme la plus désolée, la plus malheureuse de toute ma vie.

J’écris ces lignes, seule dans ma chambre, et longtemps après minuit ; je les écris au sortir de la chambre de Laura, où je suis allée furtivement jeter un coup d’œil sur le joli petit lit blanc où elle repose ; — ce lit, qui a toujours été le sien, depuis la fin de sa toute première enfance.

Elle était là, ne se doutant guère que mon regard planait sur elle ; — calme, plus calme que je n’aurais osé l’espérer, mais non endormie. La faible lueur de la veilleuse me laissait voir que ses yeux n’étaient qu’à demi-fermés ; quelques larmes brillaient encore entre ses paupières. Mon petit souvenir, — une simple broche, — était posé sur la table, à côté de son lit, avec son livre de prières et le portrait de son père, cette miniature dont elle ne se sépare jamais. Abritée par son oreiller, je suis restée à la contempler, tandis qu’immobile sous mon regard, un bras et une main étendus sur le blanc couvre-pied, elle bougeait si peu, elle respirait si doucement, que la légère