Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/257

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qui revient avec elle. Sir Percival peut bien, s’il lui plaît, remplir sa maison de la cave au grenier, à condition que sa femme et moi nous l’habiterons ensemble.

En attendant, me voici établie à Blackwater-Park, « l’antique et intéressante demeure » (c’est le « Guide » du comté qui s’exprime ainsi) de sir Percival Glyde, baronnet, — et le futur séjour (je me permets d’ajouter ceci) de la pauvre Marian Halcombe, fille à marier, mais non mariable, maintenant établie dans un commode petit boudoir, une tasse de thé à côté d’elle, et embrassant du même coup d’œil tous ses domaines terrestres, méthodiquement rangés à ses pieds ; — savoir, trois malles et un sac de nuit.

Je quittai hier Limmeridge, ayant reçu, la veille, la délicieuse lettre que Laura m’avait écrite de Paris. Jusque-là je ne savais encore si je les rejoindrais à Londres ou dans le Hampshire : mais cette dernière lettre m’a informée que sir Percival se proposait d’aborder à Southampton, et de revenir tout droit dans sa maison de campagne. Il a dépensé tant d’argent à l’étranger, qu’il n’en a plus assez pour défrayer les dépenses de sa vie à Londres, pendant le reste de la saison ; aussi a-t-il décidé, par économie, qu’il passerait tranquillement, à Blackwater, tout l’été et tout l’automne. Laura me paraît avoir bien assez de changement et de perpétuelle excitation ; elle se complaît dans la perspective de la vie calme et retirée que lui ménage la prudence de son mari. Quant à moi, je me sens toute disposée à être heureuse avec elle, n’importe où. Nous voilà donc, pour commencer, parfaitement satisfaits les uns des autres, chacun à sa façon particulière.

J’ai couché à Londres, la nuit dernière, et m’y suis trouvée retenue si longtemps, ce matin, par une foule de visites et de commissions, que je suis arrivée à Blackwater seulement après la tombée de la nuit.

À en juger d’après les vagues impressions que j’ai pu recevoir jusqu’ici, ce séjour est de tout point le contraire de Limmeridge.

Le château est situé sur un terrain absolument plat ; on le dirait emprisonné, — je dirai presque suffoqué, d’après