Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/267

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granit, et dont le centre est occupé par un monstre allégorique fondu en plomb, forme le milieu de cette cour. Le bassin est abondamment garni de poissons argentés ou dorés, et une large ceinture du plus fin gazon sur lequel j’aie jamais marché, en dessine le contour. J’y suis restée, du côté de l’ombre, avec assez d’agrément, jusqu’à l’heure du « luncheon » ; et, ensuite, prenant mon grand chapeau de paille, j’ai commencé, aux douces et chaudes clartés du soleil, mon exploration du domaine.

Le plein jour m’a confirmée dans l’idée conçue la nuit dernière, qu’il y a beaucoup trop d’arbres à Blackwater. Ils étouffent littéralement le château. La plupart sont jeunes et plantés trop près les uns des autres. Je me figure qu’il y aura eu sur toute la propriété, avant qu’elle n’échût à sir Percival quelque coupe « à blanc », nécessitée par des embarras pécuniaires, et que le propriétaire nouveau, inquiet et mécontent, aura voulu dissimuler en toute hâte par des plantations aussi rapides et aussi denses que possible. En regardant autour de moi, devant la maison, j’ai remarqué, à ma gauche, un grand parterre, et j’ai dirigé de ce côté mon voyage de découvertes.

Examiné de plus près, ce jardin s’est trouvé être assez médiocre, mal garni et mal tenu. Je n’ai fait que le traverser, j’ai ouvert un petit guichet dans la palissade qui le clôt, et me suis trouvée dans une plantation d’épicéas.

Une jolie allée, sinueuse et tracée avec art, me dirigeait parmi ces arbres ; et l’expérience que j’ai acquise dans le Nord m’apprit bientôt que j’approchais de ces terrains sablonneux où pousse la bruyère. Après avoir fait un demi-mille ou plus, me croyant toujours au milieu des sapins, j’arrivai à un point où l’allée tournait brusquement ; le vide se fit tout à coup autour de moi, et jetant les yeux sur le grand espace ouvert qui m’apparaissait ainsi, je me trouvai au bord de ce lac de Blackwater, qui, je l’ai dit, donne son nom au château.

Le sol, en pente au-dessous de moi, n’était que sable sur