Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/276

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lorsque, la main dans la main nous fûmes restées assises sur le même canapé, assez de temps pour reprendre haleine et causer tout à loisir, je sentis à l’instant même cette disposition nouvelle, et je pus voir qu’elle la sentait de son côté. Maintenant que nous reprenons peu à peu nos anciennes habitudes, la gêne dont je parle est déjà effacée en partie, et, d’ici à peu de temps, il est probable qu’elle aura complètement disparu. Elle n’en a pas moins influé, bien certainement, sur les premières impressions que m’a laissées la renaissance de mes rapports personnels avec ma sœur, et cette raison suffit bien pour que je juge à propos de la mentionner ici.

Laura m’a retrouvée la même ; mais, à mes yeux, elle avait changé.

Changé d’aspect, et, sous un rapport, changé de caractère. Je ne saurais dire, en termes absolus, qu’elle a perdu de sa beauté : ce que je puis affirmer seulement, c’est que, pour « moi », elle est moins belle.

D’autres, qui ne la verraient ni avec mes yeux, ni avec mes souvenirs, la trouveraient peut-être mieux qu’elle n’était. Son teint est plus animé ; il y a plus de netteté en même temps et plus de rondeur dans les lignes de son visage ; sa taille, qu’on dirait plus solidement établie, a, dans tous ses mouvements, plus d’aisance et de sûreté que lorsqu’elle était jeune fille. Mais, quand je la regarde, il me manque quelque chose, — sans doute un reflet de ce bonheur innocent qui était le partage de Laura Fairlie, reflet que je ne retrouve plus sur le front de lady Glyde. Il y avait autrefois sur son beau visage une douce fraîcheur, une beauté tendre (aux nuances variées, bien que le caractère général en fût immuable), dont il est impossible de rendre le charme par des paroles, — ou même par le pinceau, comme disait souvent le pauvre Hartright : c’en est fait de cette beauté-là. Il m’a semblé, un moment, que j’en retrouvais comme une faible lueur, lorsque, le soir de son retour, je l’ai vue pâlir sous l’émotion de notre premier baiser ; mais, depuis, elle ne m’est point réapparue. Aucune de ses lettres ne m’avait fait prévoir le moindre changement de ce genre.