Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/277

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J’étais restée, au contraire, en les lisant, sous cette impression que son mariage n’avait dû modifier en rien cette beauté dont j’étais si fière. Peut-être, à la vérité, lisais-je mal ses lettres dans ce temps-là, ou peut-être, aujourd’hui, ne sais-je pas bien déchiffrer son visage. Peu importe ! que sa beauté ait gagné ou perdu, dans les derniers six mois, elle n’en est pas moins, depuis notre séparation, plus chère à mon cœur qu’elle l’avait jamais été : voilà du moins, de son mariage, un résultat excellent !

Le second changement, celui que j’ai remarqué dans son caractère, ne m’a point surprise, parce qu’à celui-ci, du moins, j’étais préparée par l’accent de ses lettres. Depuis son retour, je la trouve tout aussi peu disposée à entrer dans aucun détail au sujet de son existence conjugale qu’elle l’était auparavant, alors que, séparées, nous ne communiquions que par écrit. La première fois que, de loin, j’ai voulu préparer les voies pour amener la conversation sur ce terrain défendu, elle a posé sa main sur mes lèvres, avec un mouvement et un regard qui m’ont rappelé, d’une manière touchante presque douloureuse, les jours de son enfance et l’heureux temps passé où il n’y avait pas de secrets entre nous.

— Toutes les fois que nous nous trouverons tête à tête, Marian, m’a-t-elle dit, nous serons bien plus heureuses, bien plus à l’aise l’une vis-à-vis de l’autre, si nous acceptons telle qu’elle est ma position de femme mariée, et si nous nous en occupons le moins possible. Il n’est rien, chère aimée, que je ne vous dise de ce qui me concerne, continua-t elle, — défaisant et rattachant, par un mouvement nerveux, la boucle de ma ceinture, — si mes révélations pouvaient se limiter ainsi. Mais il n’en est rien ; elles m’amèneraient à des confidences sur le compte de mon mari ; et puisque je suis mariée, je crois qu’il est mieux de les éviter, autant pour lui que pour vous, et pour moi-même. Je ne dis pas, remarquez-le bien, qu’elles vous feraient ou me feraient de la peine, et, pour tout au monde, je ne voudrais pas que vous eussiez une idée pareille ; mais, — j’ai tant besoin