Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/31

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Ces remontrances, évidemment inspirées par l’affection la plus sincère, auraient influencé l’homme le moins facile à émouvoir. Aussi, sans pouvoir dompter tout à fait mes perverses antipathies, je me trouvai assez vertueux pour en rougir de bon cœur, et je cédai finalement à tout ce qu’on demandait de moi.

Le reste de la soirée fut assez gaiement consacré à mille plaisanteries sur la vie que j’allais mener avec les deux « ladies » du Cumberland. Pesca, que notre « grog » national mettait en verve, revendiqua ses lettres de grande naturalisation comme Anglais, en entassant rapidement une longue série de « speeches : » tantôt proposant la santé de ma mère, tantôt la santé de ma sœur, ma propre santé, les santés, en masse, de M. Fairlie et des deux jeunes « misses ; » puis, avec émotion, il se remercia lui-même, immédiatement, au nom de toutes les personnes qu’il avait honorées de ces « toasts ».

— Un secret, Walter, me dit à l’oreille mon petit ami, quand nous nous en retournions ensemble, bras dessus bras dessous. En songeant à quel point je me suis vu éloquent, je sens l’ambition déborder dans mon âme. Un de ces jours, vous me verrez faire partie de votre illustre Chambre des communes… « Honourable » Pesca, M. P !…[1]

Le lendemain matin, j’envoyai au patron du professeur, dans Portland-Place, les attestations écrites qu’il avait réclamées. Trois jours s’écoulèrent sans que j’entendisse parler de quoi que ce fût, et j’en conclus, avec une secrète satisfaction, que mes preuves n’avaient point semblé assez catégoriques. Le quatrième jour, cependant, une réponse arriva. Elle annonçait que mes services étaient acceptés par M. Fairlie, et me mettait en demeure de partir immédiatement pour le Cumberland. Le « post-scriptum » renfermait, dans le plus grand détail, les instructions nécessaires au voyage que j’allais entreprendre.

  1. M. P. initiales des mots « member of Parliament. »